LE PERE JEAN DE FELIGONDE,

FONDATEUR DES SCOUTS ET GUIDES SAINT BENOÎT

 


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Les Scouts et Guides Saint Benoît ne seraient pas ce qu’ils sont sans la personne du Père Jean de Féligonde (1908-1983). Fondateur historique du mouvement en 1971, ce père bénédictin est par là même l’inspirateur et le guide spirituel des SSB ; il est en quelque sorte un " conducteur d’âmes " vis-à-vis des jeunes engagés dans le mouvement, comme doit l’être un abbé face à ses moines et disciples. Le Père Jean engage en effet toutes ses forces et son énergie à faire comprendre et partager son idéal : idéal non de héros ou de saint, mais plus simplement de jeune chrétien, conscient de ses forces et de ses faiblesses dans un monde en constante mutation. Tout jeune a besoin d’être aidé, soutenu et encadré, à l’instar d’un novice qui trouve force et conseils dans une " école où l’on apprenne le service du Seigneur " (Règle de saint Benoît), en l’occurrence le monastère. C’est ainsi que, guidé par sa vocation bénédictine, par son enthousiasme et son grand souci des jeunes, le Père Jean s’attache à rapprocher deux univers à priori bien distincts : l’univers du monachisme, hérité de saint Benoît (6ème siècle) et l’univers du scoutisme né au début du 20ème siècle de l’idée de Baden-Powell. Il crée donc les Scouts et Guides Saint Benoît, mouvement de scoutisme véritable, imprégné de la spiritualité bénédictine, de façon à aider les jeunes chrétiens d’aujourd’hui et de demain à se construire.

Mais ce Père Jean de Féligonde, qui est-il véritablement ? Quel est l’homme qui se cache derrière ce titre de fondateur ?

 

LA JEUNESSE DU PERE JEAN DE FELIGONDE

 

Une enfance heureuse en Aveyron

Guy Pélissier de Féligonde, dixième et dernier enfant de la famille, est né le 3 septembre 1908 au château des Aubarèdes, près de Roquefort-sur-Soulzon dans l’Aveyron. Son père mène aux côtés de son épouse une existence paisible, difficile aussi parfois de gentleman farmer. Bien qu’issu d’une vieille famille nobiliaire du 17ème siècle, le père de Guy n’est guère riche. Aristocrate désargenté, il garde de ses origines l’honneur, la foi catholique et des valeurs droites qui marqueront à jamais le futur Père Jean. Les membres de la famille sont traditionnellement nombreux à se dévouer au service de la patrie, de leur ville ou de leur région. La devise familiale, représentée sur les blasons, est significative : Do usque ad vitam, " Je donne jusqu’à ma vie ".

Guy passe donc une enfance paisible au château des Aubarèdes. A l’âge de huit ans, en pleine période de guerre, le 24 avril 1916, il fait sa première communion dans la chapelle privée du château. Et enfin la Première Guerre mondiale parvient à son terme ! Mais le 11 novembre 1918, alors que la France entière célèbre avec enthousiasme la signature de l’armistice, une lettre maculée de sang parvient à la famille, apportée par le maire du village : son frère aîné est mort au Chemin des Dames, âgé seulement de 22 ans. Le jeune Guy, avec les siens, est atterré. Cette lettre, le Père Jean la gardera toute sa vie avec lui, comme une relique précieuse et pleine d’émotion douloureuse.

 

Sur le chemin du monastère

Un an plus tard, le petit Guy âgé de 11 ans, est introduit à l’abbaye bénédictine d’En-Calcat dans le Tarn, pour y poursuivre ses études. A chacune des vacances, il revient au château familial, pour retrouver ses parents et ses sœurs. Durant l’été 1922, une lecture de vacances l’impressionne fortement : la vie du Père Muard (1809-1854)), fondateur du monastère de La-Pierre-Qui-Vire dans le Morvan, homme à ses yeux exceptionnel par sa volonté de réconcilier la vie monastique et la vie missionnaire, à l’instar des premiers moines évangélisateurs de l’Europe. A l’aube de ses 14 ans, le jeune Guy Pélissier se sent comme intérieurement appelé à reprendre l’œuvre du père Muard. Dès l’abord, son désir est d’entrer à l’abbaye de La-Pierre-Qui-Vire. A la rentrée scolaire 1922, sa mère y consent et le confie à l’abbé Gloriez, qui l’accueille dans son école abbatiale. Il y reste trois ans, bien décidé à se faire moine. A 17 ans, il entre tout naturellement au noviciat (septembre 1925), poursuivant sa formation monastique jusqu’en 1929, tout en se préparant à la prêtrise. Après avoir accompli son service militaire à Toulon dans la marine (1929), il retrouve avec joie son monastère, où il demeure encore quatre années. Entre temps, le 14 mai 1931, il y prononce ses vœux solennels et le 25 juillet 1932, il est ordonné prêtre.

 

Un désir d’apostolat

Le Père Jean-Baptiste (tel est son nom désormais), moine et professeur à l’abbaye de La-Pierre-Qui-Vire, n’oublie pas pour autant le sens premier de sa vocation : un monachisme missionnaire. Mais dans son abbaye, l’orientation est toute autre en ce début de 20ème siècle. Le jeune moine en souffre. Heureusement pour lui, une occasion lui est offerte en 1934 de partir pour Paris : son Père abbé, conscient de ses qualités intellectuelles, l’envoie préparer un doctorat en théologie à l’Institut Catholique (thèse sur Proudhon). Parallèlement à sa vie d’étudiant, le Père Jean-Baptiste aide à l’animation de la paroisse Saint François-Xavier de Vanves, à proximité du prieuré bénédictin où il loge. Il s’occupe surtout des jeunes et des scouts. Bientôt, il prend également en charge certaines activités de la paroisse Saint Antoine de Padoue dans le 15ème arrondissement de Paris, paroisse plutôt populaire située sur les boulevards de la capitale. Il découvre là ce qu’est un véritable apostolat populaire, au milieu d’une population ouvrière souvent déchristianisée et très marquée par le Front Populaire de 1936. Lors de ces derniers événements, le Père Jean est même accueilli un jour à coup de pierres dans sa paroisse ! Cela ne le décourage aucunement dans sa vocation de missionnaire ; au contraire. Plus que jamais, il se veut un moine missionnaire de l’intérieur.

Mais en 1936, il doit revenir à son monastère, non sans regret. Suit pour lui une période de dépression. Le Père abbé décide alors de lui confier la charge d’une petite paroisse de campagne, non loin du monastère : la paroisse de Bussières, totalement déchristianisée (1938). Car il comprend que ce moine  n’est pas tout à fait comme les autres, qu’il a besoin d’un terrain véritable d’apostolat. De fait, la mission à Bussières est très dure, les habitants très récalcitrants dans un premier temps. Mais le Père Jean est courageux et outrepassant même parfois ses propres forces, agit comme un ardent apôtre ; il y gagne peu à peu des " âmes ", au grand étonnement de beaucoup.

Puis survient la Seconde Guerre mondiale. Le Père Jean est mobilisé à Toulon comme officier mais préfère la fonction de simple matelot, afin d’être plus près de ses camarades. Auprès d’eux, il continue son œuvre de missionnaire, prêchant et catéchisant sans cesse. Il se fait remarquer par ses remarquables talents d’apologète, cherchant à mettre la science au service de la foi, pour mieux convaincre ses frères marins. Le prestige du père Jean est tel, son éloquence si reconnue, que l’on fait appel un jour à lui pour calmer un début de rébellion. Mais en novembre 1942, le Père Jean est démobilisé, il a 34 ans. Si sa jeunesse est achevée, son apostolat ne l’est pas. Une autre page de sa vie s’ouvre…

 

LE FONDATEUR DES OBLATS MISSIONNAIRES PAROISSIAUX

En novembre 1942, le Père Jean est donc démobilisé, la flotte de Toulon vient de se saborder. Il doit rentrer. Mais où ? Car il est très malade, souffre d’une grave anémie et les médecins le disent même perdu.

 

Le projet de Croissy

Le Père Jean, épuisé, décide de rentrer dans sa famille pour se soigner ou pour y mourir. Il rejoint donc ses sœurs à Croissy, dans la banlieue ouest de Paris. Là, il se remet lentement de ses fatigues de guerre. Puis, un beau jour d’octobre 1943, quelques jeunes viennent le chercher, attirés par son charisme et son enthousiasme découverts lors d’une retraite spirituelle préalable. Ces jeunes veulent en effet fonder quelque chose d’original ; pour l’instant, ils se cherchent et cherchent aussi un maître. Le Père Jean ne pourrait-il pas être celui-là ? De fait, il le devient. Bientôt dom Lambert Beauduin, célèbre bénédictin et liturgiste, installé non loin de là à Chatou, aide le jeune groupe à se structurer et à élaborer un projet apostolique original. Ensemble, ils rédigent les premières pages de ce qui devrait être une institution religieuse nouvelle, adaptée aux besoins missionnaires du temps et du lieu, la banlieue parisienne. Au centre de leur réflexion et de leur projet : le monastère, qui doit être à la fois le centre de la mission et le pôle d’attraction de la population à convertir. Le 8 décembre 1943, le Père Jean de Féligonde fonde ainsi ce qu’il appelle les Oblats de Saint Benoît Communautaires et Paroissiaux. L’évêque de Versailles, sollicité pour son accord, approuve l’initiative par une simple carte : " Je consens. Comptez sur mes prières ".

 

Des hommes et une paroisse à trouver

Pour concrétiser et réussir son projet, il faut au père Jean et aux quelques jeunes réunis autour de lui, du renfort humain et un lieu d’action, d’apostolat, d’expérience aussi. Vont-ils y parvenir ? Rien n’est alors moins sûr. Et pourtant, ils y parviennent. Le Père Jean décide de se rendre en Belgique, à l’abbaye Saint-André de Bruges, restaurée il y a quelques années par dom Van Caloen dans une orientation missionnaire. Le 8 septembre 1944, il est sur place. L’abbé dom Nève qui le reçoit, lui dit, après l’avoir attentivement écouté : " J’ai un homme pour vous…Le Père Hadelin, je vous le prête à vie ". C’est ainsi que les deux hommes, l’un aveyronnais, l’autre belge, font connaissance et décident de partir ensemble sur des routes de mission encore inconnues. Pendant des années, ils resteront inséparables et les pionniers de la jeune fondation.

De retour en banlieue parisienne, ils se lancent à la recherche d’une paroisse qui voudrait bien les accueillir. Ils rencontrent le cardinal de Paris Mgr Suhard, connu pour son souci d’apostolat en " terres populaires " ; celui-ci les soutient et leur recommande de choisir une " paroisse à leur taille ". Cette petite paroisse, ils vont la trouver dans la banlieue sud de Paris, à L’Haÿ-les-Roses, forte alors de quelques 8 000 âmes.

 

L’action missionnaire à L’Haÿ-les-Roses

Les bénédictins s’enraciner en effet à L’Haÿ. Arrivés en 1946, au milieu de la plus grande suspicion des habitants, ils vont parvenir non seulement à se faire accepter mais à rechristianiser de façon remarquable la paroisse. Le Père Jean de Féligonde, infatigable missionnaire, se lance à la tête de ce défi, suivi en cela par ses disciples de plus en plus nombreux. En quelques années, la petite ville change et fait même parler d’elle ! Au printemps 1950, une équipe de télévision vient voir de près ce qui se passe dans ce coin de " banlieue rouge " pas comme les autres et enregistre la première messe télévisée en dehors de Paris. La presse amplement s’en fait l’écho.

Car c’est vrai, les bénédictins, tout de noir vêtus comme de véritables moines, prennent en main de façon énergique la paroisse, repoussant tout ce qui est bondieuserie. Ils veulent au contraire une foi intelligente et vécue comme telle. Le catéchisme est ainsi renouvelé (catéchisme en bande dessinée pour la première fois), les mouvements de jeunesse redynamisés (scouts), les fêtes religieuses et autres célébrées avec une participation active de la population (dramaliturgies, kermesses). La liturgie, grâce en grande partie aux talents du père Hadelin, est totalement repensée et mise à l’honneur, pour permettre une meilleure association des fidèles aux cérémonies. Les résultats s’avèrent très vite probants : les paroissiens sont de plus en plus nombreux à fréquenter la paroisse, d’abord en curieux, puis en fidèles convaincus et eux-mêmes évangélisateurs. Dans son action, l’équipe bénédictine cherche à réconcilier toutes les classes sociales, à dépasser les clivages à la différence de l’Action Catholique spécialisée, très active à l’époque. L’Haÿ-les-Roses, dans les années 1950-60, est un véritable " laboratoire de Vatican II ", comme le dit l’historien J.M. Hilaire. Il est vrai, nombre de nouveautés expérimentées à L’Haÿ par l’équipe bénédictine (vigile pascale, suppression des classes de mariages et d’enterrements…) annonce les réflexions et les réformes du concile Vatican II (1962-65), appliquées ensuite à l’ensemble de l’Eglise catholique.

Mais les moines restent des moines ! Ils célèbrent à heure fixe les offices monastiques dans l’église paroissiale, auxquels sont invités à participer tous les fidèles qui le souhaitent. Leur communauté est organisée à l’instar d’une véritable communautés religieuse. Les novices, dirigés par un maître des novices affluent, à tel point qu’en 1953 il est nécessaire d’installer dans une commune avoisinant à Rungis, un noviciat indépendant séparé du prieuré de L’Haÿ. De plus, les bénédictins prennent bientôt en charge la paroisse de Choisy-le—Roi à partir de 1961. Le Père Jean devient le curé de la paroisse Saint-Louis, beaucoup plus importante que celle de L’Haÿ. Ainsi, on peut le dire, les Oblats bénédictins en paroisse, nés en 1943, ont réussi leur pari : réconcilier le monachisme et l’esprit missionnaire, qui plus est, dans une paroisse de banlieue déchristianisée !

 

La fin d’un beau rêve

L’œuvre menée à L’Haÿ et Rungis, si bien partie, ne parvient pourtant à durer et à s’inscrire sur le long terme, pour assurer son devenir. Car il s’agit pour les créateurs d’une institution nouvelle, de se faire reconnaître comme telle par l’Eglise et donc d’obtenir une autorisation officielle du Pape. Dès 1949, le cardinal Suhard, archevêque de Paris demande au Père Jean de rédiger les Constitutions de son institution, afin de l’ériger en nouvelle Congrégation religieuse. Celui-ci s’y consacre quelque temps. Le cardinal Suhard s‘apprête à porter personnellement le texte à Rome, lorsqu’il meurt le 30 mai 1949. Avec lui disparaît le premier protecteur de l’institution mais le Père Jean ne se laisse pas abattre. En 1950, il profite des grandes fêtes de Pâques, pour se rendre à Rome et défendre son œuvre auprès des services de la Curie. Le 26 juillet 1951, la Sacrée Congrégation accorde enfin son nihil obstat, c’est-à-dire sa reconnaissance de droit de l’institution. Mais à l’Haÿ, le texte officiel ne parvient jamais ! Et le Père Jean, attentif avant tout à son action sur le terrain, laisse passer les années et traîner les choses…Il remanie même à plusieurs reprises le texte premier de ses institutions.

A cela, s’ajoute des tensions personnelles entre les hommes, l’inquiétude et la peur de certains novices à s’engager dans une institution non véritablement reconnue de Rome. En outre, les autorités bénédictines semblent être prudentes, voire méfiantes, vis-à-vis d’une institution monastique quelque peu originale, qui remet en cause la tradition contemplative de l’ordre, cela depuis Cluny (10ème siècle). Le 17 décembre 1959, le cardinal Feltin de Paris érige finalement l’institution en Société de Vie commune , en, se passant de l’accord définitif de Rome, qui finit par arriver en 1979 ! Mais il est trop tard. Le Père Jean est âgé, malade ; la crise de mai 1968 est passée par là ; de nouveaux moines sont arrivés, cherchant à donner une autre orientation à l’œuvre première. Le Père Jean tente bien quelque temps de recréer une dynamique à Rungis mais c’est un échec. A l’Haÿ-les-Roses et Choisy-le-roi, pendant ce temps, la communauté des frères bénédictins séparés du Père Jean, décide de se rattacher à la Congrégation de l’Annonciation de l’ordre bénédictin. S’appelant désormais Moines pour la Ville, ils gardent jusqu’en 1990 la charge de la paroisse de L’Haÿ, avant de s’installer à Etiolles (Seine et Marne) en 1995.

Le Père Jean, épuisé, meurt le 18 mai 1983 au prieuré de Rungis, où il est enterré. Quelques années plus tard, le 21 mai 1990, Rome dissout officiellement l’œuvre des Oblats Bénédictins Communautaires et Paroissiaux, fondés en 1943. Son rêve est définitivement dissipé.

 

L’ACTION AUPRES DES SCOUTS

Le Père Jean, très jeune de caractère, s’est toujours soucié personnellement de l’éducation des jeunes. A ses yeux, le mouvement scout est mieux adapté à la christianisation et à l’épanouissement de ceux-ci que l’ancien patronage de paroisse, qui a eu son heure de gloire dans l’entre deux-guerres. C’est pourquoi, il investit beaucoup dans ce domaine.

 

La création de l’unité des Pionniers

A L’Haÿ-les-Roses, puis à Choisy-le Roi dans les années 1960, le Père Jean veille de près à l’organisation et à la direction du mouvement scout, comme à la formation des chefs et cheftaines. En 1961, il crée même, ce qui aujourd’hui est adopté par l’ensemble des Scouts de France et autres mouvements : une nouvelle unité pour les " grands garçons ", à savoir les Pionniers. Jusque là en effet, aucune distinction n’est faite entre les jeunes rangers et les aînés routiers, proches de l’âge adulte. Un même groupe regroupe des garçons de 11-12 ans et d’autres de 14-16 ans. Or, il est clair que les goûts, les centres d’intérêt, les problèmes et les interrogations de ces jeunes ne sont pas les mêmes à l’amont ou à l’aval de l’adolescence. Les unités, par conséquent, sont souvent difficiles à diriger et à gérer. Une scission s’avère absolument nécessaire au sein de l’unité. Le Père Jean la décide en 1961 : dans sa paroisse de Choisy-le-Roi il crée la nouvelle unité des Pionniers, avec leur chemise rouge devenue aujourd’hui familière. Certes, au début, les critiques ne manquent pas. Mais les tensions sont très vite oubliées.

Cette nouveauté attire même l’attention des instances générales des Scouts de France, c’est-à-dire de la direction nationale. Dès juin 1961, le Père Jean s’explique devant elles. En 1963, l’expérience des Pionniers est étendue à toute la France et devient la norme du mouvement Scouts de France. L’idée du Père Jean a essaimé.

 

Un scoutisme apostolique

Une grande idée du père Jean, en matière de scoutisme, est de donner à ce mouvement populaire un caractère apostolique. On retrouve là, encore une fois, l’idéal missionnaire du bénédictin, qu’il veut faire adopter par tous. Le scoutisme ne doit pas être, pour lui, un simple cadre de loisirs mais bien plutôt d’épanouissement, à travers entre autre le service apostolique, l’action pour les autres. L’orientation est clairement affirmée à L’Haÿ, puis à Choisy. Les Routiers organisent ainsi régulièrement des camps missionnaires, présentant des spectacles sur les plages pour christianiser les vacanciers. Les scouts, de plus en plus motivés, vivent avec davantage de ferveur l’idéal scout. Ils participent avec joie à la vie paroissiale, animent la ville et attirent à eux de nouveaux jeunes camarades. Tout le monde est étonné. Les témoignages sont nombreux de cet élan nouveau du mouvement scout.

 

Un scoutisme bénédictin

La crise de mai 68 touche bien sûr le mouvement scout, l’encadrement comme les activités. Le Père Jean réagit vivement et décide de créer un nouveau mouvement pour revivifier la jeunesse dont il a la charge. A Rungis, où il réside désormais, est créé en 1971 les Scouts et Guides Saint Benoît. Ce scoutisme veut renouer avec l’idéal du Père Jean et se place directement sous l’égide du monachisme bénédictin. En 1976, les Scouts et Guides déposent leur charte dans la crypte de la basilique de Saint-Benoît-sur-Loire, où reposent les restes du saint patron de l’ordre bénédictin. Jeunes et chefs se réfèrent plus que jamais à la spiritualité bénédictine pour guider leurs actions et leur apostolat au quotidien. Les aumôniers du mouvement sont choisis parmi les moines bénédictins, d’ici ou d’ailleurs. Ceux de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire sont directement engagés dans ce patronage d’un mouvement scout pas tout à fait comme les autres. Le Père Jean de Féligonde mort en 1983, les Scouts et Guides Saint-Benoît ainsi lui survivent, continuant à vivre et partager cet grand idéal dont ils ont hérité.

Le Père Jean de Féligonde est mort en 1983 et une partie de son œuvre n’a pas survécu aux tensions des hommes et du temps. Mais combien de mots demeurent encore pour les nouvelles générations, interrogatrices d’une histoire, riche en ses temps forts ou de crise ? Histoire d’un homme, histoire des institutions créées (Oblats Bénédictins Communautaires et paroissiaux, Scouts et Guides Saint Benoît), histoire des idées, d’un idéal…Le message, par-delà les années, demeure…

Do usque ad vitam : je donne jusqu’à ma vie. Telle était la devise de la famille du père Jean de Féligonde comme son chemin de mission. Que dirons-nous à notre tour demain ?

 

LES ECRITS DU PERE JEAN

"  Comportements religieux du clergé paroissial ", dans Supplément à la Vie spirituelle, n°8, 15 février 19949, p.394-417 

" La Vie chrétienne d’une paroisse ", dans Cahiers de La-Pierre-Qui-Vire, XXV, avril 1950, p.156-174 

Pour une vie communautaire du clergé paroissial selon la spiritualité bénédictine, Paris, ed. du Levain, 1953 

" La Paroisse de L’Haÿ-les-Roses et les Oblats de Saint-Benoit ", dans L’Haÿ-les-Roses, Paroisse témoin, paroisse et Liturgie, n°8, Abbaye de Saint-André, Bruges, 1953

" Les Masses ouvrières ont-elles perdu le sens de Dieu ? ", dans Monde moderne et sens de Dieu. Semaine des intellectuels catholiques, 8-14 novembre 1953, Paris, ed. Flore Pierre Horay, 1954, p.211-220

L’Armure du chrétien (livre de catéchisme), t.1, Paris, ed. du Levain, 1957

"  Evangile et Mission ", dans Paroisse et mission. Bulletin de la Communauté chrétienne de Saint-Séverin, n°3, 1957

"  Les conditions nécessaires pour l’admission à la communion ", dans Dossier sur la communion solennelle, Abbaye de Saint-André, Bruges, 1958, p.21-42.

" La Communidad religiosa, Ministerio de Dios, testigo de Dios, y la necessidad apostolica de la accion comun ", dans La Vita comun, Madrid, 1962

Graines de bon sens. Bulletin de l’Association des Amis de saint-Grégoire

Note historique sur les Oblats de Saint-Benoît Communautaires et Paroissiaux , 1943-1978 (dactylographiée)

 

Sophie Hasquenoph
Maître de Conférence en Histoire Moderne Université de Lille 3

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